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Photo du rédacteurnathalie gonzalez

Intimité : à la recherche de la normalité

Qui définit ce qui est normal?


Si j'avais eu un euro à chaque fois qu'on m'a posé cette question en consultation je serais riche! L'époque est paradoxale. La valorisation de l'expérience personnelle, l'encouragement à ignorer le regard des autres est partout. La modernité ne veut plus des carcans dans lesquels vivaient nos grands parents. Alors nous sommes libres? Et bien on ne va pas philosopher sur ce qu'est la liberté mais il est impossible de faire société sans cohésion, sans un minimum de codes, d'attendus qui font que chacun sait ce qui se fait et ce qui en se fait pas. Ce sont les normes sociales qui fluctuent dans le temps et l'espace. Si elles sont trop rigides on étouffe, c'est la dictature. Si elles sont trop souples ou inexistantes cela pourrait créer une forme de chaos mais en réalité il est presque impossible de le savoir car tout groupe social, même se voulant affranchi et libre crée ses codes, ses habitudes, souvent de manière implicite mais bien réelle. Donc la norme change, évolue, s'assouplit dans certains domaines, se durcit dans d'autres, mais elle ne peut disparaitre.


Tous des robots?

Les normes sociales façonnent la construction de la pensée de la normalité des individus. Cette influence est souvent inconsciente. Comment déterminer ce qui relève de notre individualité et ce qui relève des influences sociales? Par exemple malgré quelques remises en question il est plutôt admis que les poils chez les femmes sont disgracieux. Les hommes et les femmes qui le pensent estiment que c'est leur gout personnel, que ce n'est pas pour faire comme les autres. Mais quand presque tout le monde a le même goût personnel, que ce gout ne concerne que les femmes et existe depuis assez peu de temps, il est légitime de se demander si le choix est vraiment personnel. Mais quelque chose que nous avons toujours vu, pensé, est ancré en nous. Ainsi les gouts alimentaires se construisent en fonction de ce qui nous a été proposé depuis toujours. Il ne suffit pas de le décider pour subitement aimer un aliment que nous n'avons jamais appris à aimer voire appris à détester. Pour aller un peu plus loin dans la compréhension des normes sociales il est utile de considérer les différents domaines qui constituent les normes sociales. Ils sont au nombre de 5 : la norme légale, la norme clinique, la norme culturelle, la norme statistique, la norme personnelle.


La norme légale.

Il s'agit ici de ce que dit la loi, cette norme ne semble pas laisser beaucoup de flexibilité mais pourtant elle est bien variable dans le temps et l'espace. En effet le viol conjugal n'est reconnu en France dans la loi que depuis 2006. Jusque là le consentement sexuel était présumé dans un couple marié. Le viol est un crime depuis 1980 et il existe des discussions pour inscrire le consentement dans la loi. En 2017 la Russie a dépénalisé une partie des violences conjugales afin de "préserver la famille". Enfin si l'inceste est un interdit dans la plupart des sociétés la justice ne le considère pas partout de la même manière et la majorité sexuelle à 15 ans date de seulement 2021.

Ces exemples nous montrent que ce qui est considéré comme normal ou non par la loi a une grande influence sur le quotidien des personnes, particulièrement les plus vulnérables que la loi est justement là pour protéger.

La norme religieuse fait également partie de la norme légale car pour les personnes concernées les prescriptions religieuses sont aussi importantes que la loi humaine. Il existe beaucoup de normes sur la sexualité dans la plupart des religions, appliquées avec plus ou moins de souplesse. Elles ont généralement un impact important sur la construction psychosexuelle des individus surtout si leur adhésion religieuse est forte. Il a été décrit des facteurs protecteurs mais aussi des facteurs fragilisants si la vision de la sexualité est très négative ou menaçante.


La norme clinique

Il s'agit de la manière dont la médecine et la psychologie classent les comportements. Si la loi parle d'autorisé et d'interdit, la clinique parle de normal et de pathologique. Ce regard sur les comportements sexuels a également une grande influence sur les individus. Des comportements considérés aujourd'hui comme normaux voire sains ont été longtemps considérés comme des maladies. Le meilleur exemple est peut être la masturbation : longtemps ignorée puis accusé de créer tous les maux possibles autour du 18ème siècle, puis restaurée comme faisant partie du développement normal de l 'enfant et de l'adolescent. L'homosexualité était considérée comme une maladie psychiatrique jusqu'en 1973. La norme légale et la norme clinique se rejoignent souvent et l'homosexualité était pénalement répréhensible en France jusqu'en 1982. Aujourd'hui les comportements sont généralement considérés comme pathologiques s'ils sont responsables d'une souffrance personnelle ou s'ils infligent une souffrance à autrui. La norme clinique actuelle pourrait se résumer ainsi :

"Tout est possible entre adultes consentants".

La norme culturelle

La culture est elle le fruit ou l'origine des comportements sexuels des individus? Il est probablement impossible de répondre à cette question qui est souvent posée à propos de la pornographie par exemple : est elle le reflet des fantasmes existants ou crée elle des fantasmes ? Surement un peu des deux. Le désir des femmes en est un autre exemple. Le trouble du désir est le premier motif de consultation chez les femmes. Les hommes peuvent en souffrir aussi mais cela est moins fréquent. Pourquoi cette disparité? Est ce hormonal, génétique? Ou socioculturel? Là aussi il est impossible de trancher mais la culture n'a pas aidé les femmes à construire et s'approprier leur sexualité leur désir. Les petites filles sont des princesses qui attendent le prince charmant mais il ne faudrait pas qu'elle s'aventurent à prendre l'initiative. Les adolescentes ne doivent pas être trop aguicheuses mais pas coincées non plus.

Les mamans doivent être respectables et les mamies font des gâteaux mais pas l'amour.

Avez vous remarqué quel type de femme a des rôles amoureux ou sensuels dans les films ou les séries? Jeune, mince, belle. Avez vous déjà vu une femme de plus de 40 ans, une femme ronde avec un rôle amoureux ou sensuel ? Ce critère n'est pas aussi clair pour els hommes, surtout en ce qui concerne l'âge. Et l'érotisme se construit avec ce que l'ont voit, entend, en fonction des émotions ressenties. Il est difficile de se rêver dans la sexualité si on ne s'y voit jamais représentées. Les hommes ont leurs injonctions aussi, ils doivent être forts, efficaces et la moindre trace de faiblesse est honteuse.

La pression de performance est un domaine très présent chez les hommes en consultation de sexologie.

La norme statistique

Si les gens le font c'est normal. Il est étrange de constater qu'à une époque donnée dans une culture donnée les gens font tous l'amour à peu près de la même façon. Pourtant il ne semble pas que les gens se concertent... Par exemple la sexualité orale était considérée comme dégradante avant les années 70. C'était le domaine des prostituées, il aurait été dégradant pour une épouse respectable de pratiquer une fellation. Ne parlons pas de cuni lingus qui à cette époque ne venait pas à l'idée de grand monde. Ces pratiques sont aujourd'hui généralisées. La sexualité anale se démocratise un peu, y compris plus récemment chez les hommes hétérosexuels avec l'émergence des discours sur le plaisir prostatique. D'autres pratiques sont encore marginales, l'avenir nous dira si elles se répandent.

Bien entendu le risque de cet élargissement des possibles est de tomber dans l'injonction, il serait dommage de passer de "je peux car les autres le font" à "je dois car les autres le font". Et n'oublions pas que ce que font les autres est souvent sur estimé et idéalisé ;)

La norme personnelle

Cette norme est le fruit de toutes les précédentes mais l'habitude de pratiquer un comportement rend ce comportement normal pour la personne. En effet il est difficile de remettre en question quelque chose que l'on a toujours fait. Par exemple plusieurs femmes m'ont dit "j'ai toujours eu des rapports sexuels quand il le voulait, que je le veuille ou non, je ne vais pas changer maintenant". Mes discours sur le consentement, la liberté à disposer de son corps et la recherche de son propre plaisir n'ont pas trouvé beaucoup d'échos.... Par ailleurs certains couples peuvent dire "la tendresse ce n'est pas notre truc depuis le début c'est comme ça" ou "on ne sort jamais tous les deux ça ne se fait pas chez nous". On repère ici des traces de norme culturelle par le "chez nous". Mais cette norme a été intériorisée, adaptée pour devenir personnelle.


Alors à bas les normes?

Les normes sociales, nous l'avons vu, sont indispensables à la cohésion d'un groupe. Et certaines d'entre elles préservent la sécurité de toutes et tous. Pour autant dans un groupe donné tout le monde ne réagit pas aux normes de la même façon. Certains individus ont une tendance à intégrer les normes facilement et sont rassurés par le cadre. D'autres ont un caractère (inné, acquis ? ;)) qui les rend plus résistants aux normes. Mais ne pas se conformer a un coût social, il peut même exister des sanctions comme la mise à l'écart. A part si l'originalité et la rébellion sont devenues la norme et que se conformer est devenu la transgression !


Et pour ma sexualité?

Comprendre et analyser ce qui a construit notre vision de la normalité est un atout pour prendre ses décisions de façon autonome et éclairée. Certaines normes sont utiles voire indispensables, d'autres nous enferment et s'y conformer crée de la souffrance personnelle ou relationnelle. Cela concerne particulièrement tout ce qui tourne autour de la performance. Considérer cet aspect apporte de la matière pour communiquer dans son couple de manière profonde et revoir ensemble les éléments qui composent la sexualité. Aborder ces sujets auxquels on en pense pas assez permet de cheminer vers plus de liberté, de joie et de sérénité dans la sexualité.

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